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Chercheurs d’or… dans les boues des égouts

Publié le 10 janvier 2020 Mis à jour le 10 juillet 2020

Or, argent, platine : les chercheurs de l’ULB participent à un projet de recherche pour récupérer ces métaux dans les boues résiduaires des stations d’épuration de la Région de Bruxelles-Capitale.

Un véritable trésor se cacherait dans nos eaux usées ! Le projet de recherche SUBLIMUS, financé par l’Institut bruxellois pour la recherche et l’innovation (INNOVIRIS), a pour but de le récupérer ces ressources précieuses dans les boues résiduaires de deux stations d’épuration bruxelloises.
« Les boues résiduaires, c’est ce que l’on obtient au bout du processus de traitement et d’épuration des eaux usées », explique Gilles Bruylants, chercheur au laboratoire Engineering of Molecular NanoSystems (EMNS) de l’École Polytechnique de Bruxelles, responsable ULB du projet.
Nos premières analyses indiquent qu’il y aurait entre six et dix kilos d’or, jusqu’à cent kilos d’argent et un kilo de platine dans l’ensemble des boues des deux stations d’épuration de Bruxelles. Quand on sait que les sources traditionnelles de ces métaux pourraient être épuisées d’ici 20 ans, c’est un apport à ne pas négliger.

Valoriser les déchets

Ces métaux précieux finissent avec les autres métaux lourds (cuivre, zinc, plomb...) dans les eaux usées pour toutes sortes de raisons : érosion des bijoux, utilisation dans des médicaments ou comme agents antibactériens, mais aussi rejet des catalyseurs des moteurs diesel, etc. Ils se concentrent ensuite dans les boues résiduaires, à l’autre bout de la chaine d’épuration des eaux. Ces boues ont été traditionnellement utilisées comme engrais dans l’agriculture. Une pratique désormais interdite en Flandre et dans de nombreux pays européens en raison des concentrations élevées de métaux lourds. « En conséquence, ces déchets sont actuellement généralement éliminés par incinération, avec les coûts humains, logistiques et les risques environnementaux qui y sont associés, précise le chercheur de l’ULB. On parle quand même de plusieurs dizaines de milliers de tonnes de boues par an, majoritairement exportées en dehors de la Région bruxelloise ».
Le projet SUBLIMUS a donc un double but : valoriser les déchets produits par les stations d’épuration, d’une part, en récupérant des métaux nobles dont les sources se raréfient, d’autre part. « Cette recherche s’insère parfaitement dans les enjeux actuel d’économie circulaire, de durabilité et de recyclage urbain. Elle nous force à modifier notre vision de ce qu’est un déchet : c’est aussi une source potentielle de ressources ».
 

Alchimistes modernes

SUBLIMUS, le nom du projet, évoque les alchimistes, qui pratiquaient la « sublimation » dans l’espoir de transformer des métaux en or. « Ce lien avec les alchimistes est voulu : nous tentons en effet de ‘transformer une boue en ressource d’or’. C’est également un bon moyen de marquer les esprits » plaisante Gille Bruylants. Outre l’équipe de l’ULB, le projet associe le laboratoire Analytical, Environmental and Geo-Chemistry de la VUB, ainsi que le Département des bioprocédés de l’Institut de recherche LABIRIS/Meurice R&D. Débuté en mars 2019, le projet est dans sa première étape : l’équipe de la VUB évalue la quantité de métaux précieux et de métaux lourds qui entrent dans la station d’épuration et leur distribution dans les différents rejets, à partir d’échantillons provenant de deux stations d’épuration de Bruxelles.
 

Modèle idéal

Les chercheurs de LABIRIS étudieront comment certains métaux peuvent être extraits sélectivement des boues d’une manière respectueuse de l’environnement. Ils utiliseront des bactéries pour mettre en place une technique appelée ̒bio-lixiviation̓, un procédé nécessitant d’avoir le moins de matières organiques résiduelles possibles. « La station d’épuration de Bruxelles-Nord est un modèle idéal, car les boues subissent une ̒oxydation par voie humide’, qui a justement pour but de dégrader les composés organiques, explique Gilles Bruylants. Cette première étape permettra la pré-concentration des métaux précieux et favorisera leur récupération par après ».
 

Récupérer l'or au moyen d'aimants

Enfin, dans la troisième phase du projet, les chercheurs de l’ULB et de la VUB étudieront comment ils pourront extraire et purifier les métaux précieux de leur matrice inorganique, de manière la moins dommageable pour l’environnement. Les chercheurs envisagent l’application de techniques magnétiques, souvent utilisées pour le traitement des eaux dans l’industrie ou encore dans la purification de protéines. « On peut par exemple citer le développement de nanoparticules magnétiques, couvertes d’une couche organique capable de lier l’or : le métal est collecté par ces nanoparticules qui peuvent ensuite être simplement séparées du mélange à l’aide d’un aimant », explique Gilles Bruylants. Les chercheurs ont trois ans pour mettre ce procédé au point.